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Canton de Vaud : Un plan d'action pour contrer les attaques de loups
A ce jour, aucun alpage n’a été abandonné à cause du loup dans le Jura vaudois. Mais, cette année encore, les éleveurs ont monté leur bétail avec la boule au ventre. Car, chacun sait que personne n’est à l’abri d’une attaque, même si des mesures de protection des troupeaux sont prises.
Depuis le début de l’année, 25 moutons et 4 jeunes bovins ont déjà été tués par des loups. Et la pression ne cesse d’augmenter. En 2022, on a recensé 26 grands prédateurs, avec deux meutes, celle du Marchairuz et celle du Risoud. Vont s’y ajouter les louveteaux de l’année (la croissance du loup est de 30% en Suisse), dont on ne connait pas encore ni les lieux de mise-bas, ni leur nombre.
Les bovins pour proies
C’est en 2007 que la présence d’un premier loup a été confirmée dans le canton de Vaud, après 152 ans d’absence. Et les prédations dépassent rapidement celles qui étaient craintes, puisque ce canidé, connu pour s’attaquer aux moutons, s’en prend aux bovins et s’adapte au fait que 95% des animaux qui pâturent dans le Jura vaudois sont de cette famille.
Les problèmes débutent réellement suite à l’installation d’un couple en 2019 dans la région. Ils donnent naissance l’année suivante à des louveteaux. Une première attaque sur un bovin est constatée fin 2020. L’année d’après, 21 veaux et jeunes bovins sont tués par des loups.
Les chiffres continuent de gonfler : en 2022, 69 animaux de rente ont été tué, dont 26 bovins.
S’ajoute au tableau, le fait que le loup ne se cantonne plus aux montagnes jurassiennes. Plusieurs individus ont été observés en plaine depuis novembre de l’année dernière. Certains ont même croqué des moutons à Longirod et Gimel.
Une nouvelle étape est encore franchie, en mars 2023, puisque deux canidés sauvages, au moins, se sont introduits dans des fermes, à Yens et Saint-Livre.
Hautes clôtures électrifiées
Dans le Jura vaudois de nombreuses mesures de protection ont rapidement été prises, suite au retour du loup. Y compris pour les bovins de plus de 13 jours, avec de hautes clôtures électrifiées, même si ces dernières ne font pas partie des mesures que la Confédération juge « raisonnable » de mettre en place.
Le canton a également mandaté une étude en 2022 pour avoir une vue globale de la situation. Il en ressort qu’un quart des alpages du Jura vaudois sont vulnérables. Ce diagnostic doit permettre de mettre en place des mesures de protection et de prévention, quand elles sont réalistes, pour les prochaines saisons d’estivage.
Nouveau plan d’action
Vu la forte recrudescence des attaques, le gouvernement a également mis en place un nouveau plan d’action pour 2023. Il implique notamment le versement d’une indemnisation forfaitaire de 600 fr. aux éleveurs, en cas d’attaque « pour compenser les frais de traitement du sinistre ». Un montant auquel s’ajouteront les indemnités calculées sur la valeur du bétail.
L’année dernière, 97’000 fr. ont été versés suite à des prédations (66'000 fr. en 2021).
L'Etat de Vaud souhaite aussi étendre l'engagement de civilistes pour aider les agriculteurs. Ils pourront être appelés dans des exploitations avec bovins, alors qu'ils n'officiaient jusqu'ici que dans les fermes avec moutons et chèvres.
Quant au monitoring, il a été étendu, avec pour objectif d’anticiper installation éventuelle d’un nouveau couple, voire d'une meute.
Régulation indispensable
L'Etat de Vaud estime par ailleurs "incontournable" un renforcement du corps de police faune-nature. Deux postes supplémentaires seront créés pour mieux assurer la gestion du loup mais aussi pour permettre, le cas échéant, "une mise en oeuvre rapide des décisions de tir".
Car la prévention s’ajoute la régulation. En 2022, quatre tirs ont été effectués. L’un s’est soldé par une erreur. Le mâle alpha de la meute du Marchairuz, a été tué à la place d’un jeune mâle.
Ce mauvais tir a exacerbé, une nouvelle fois, les tensions entre les défenseurs du loup, opposés à tout abattage, et ceux qui sont pour. Cependant, il est désormais majoritairement admis, y compris par les grandes organisations telles que Pro Natura, BirdLife Suisse, WWF Suisse ou le Groupe Loup Suisse, que la cohabitation entre le monde agricole, l’élevage et le loup, doit passer par la régulation.
Régulation facilitée
Vu la croissance exponentielle du loup, qui est passé, en Suisse, d’une trentaine d’individus en 2016 à environ 250, le Conseil fédéral a adopté début juin une révision partielle de l'ordonnance sur la chasse. Elle est entrée en vigueur le 1er juillet et facilite l’abattage des loups.
Le seuil de dommages a été abaissé: dans les régions où des loups isolés ont déjà provoqué des dégâts, un animal pourra être abattu lorsqu'il a tué six animaux de rente en quatre mois, contre dix actuellement. Dans les régions abritant des meutes, le seuil est désormais fixé à huit animaux tués. Pour les vaches, chevaux ou alpagas, le seuil autorisant un tir est abaissé à un seul animal tué contre deux jusqu'à présent.
La loi s’assouplira une nouvelle fois à la fin de l’année, avec des mesures préventives. Elles permettront aux cantons d’établir des quotas de loups à tirer chaque année. Il sera possible de les abattre, notamment les plus jeunes, sans qu’ils n’aient commis d’attaques au préalable.
Pascale Bieri/AGIR
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