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Comme un salon de la machine vertueuse
Les locaux de l’ancienne porcherie située en face de la HAFL, de l’autre côté de la route à Zollikofen (BE), seront restés inoccupés moins de deux ans. Partagés avec l’INFORAMA Rütti, qui fait office de service de vulgarisation et de formation pour les apprentis du canton de Berne, ils n’hébergent plus de cochons. Ils ont été remplacés par diverses propositions de structures, plus ou moins imposantes et sophistiquées, qui donnent à l’ensemble un petit air de série Marvel, comme un décor des "Gardiens de la Galaxie". Jusqu’à nouvel ordre, l’espace est maintenant occupé par une exposition permanente, sorte de "Salon de la machine vertueuse" pour tous les exploitants devant rincer leurs cuves après utilisation de produits phytosanitaires. Une étape incontournable.
Préserver le réseau d’eau
Nous y sommes guidés par Gabrielle Loichat, collaboratrice production végétale et environnement chez AGRIDEA, la centrale de vulgarisation agricole suisse, et par Fabio Mascher, professeur de protection des plantes au département Agronomie de la HAFL. C’est ce dernier qui nous fixe le cadre général. "Sur une exploitation, il faut faire attention à ne pas mélanger les produits phytosanitaires (ou PPh) avec le réseau d’eau de la ferme. Il y a aussi des incompatibilités entre certains fongicides et certains herbicides, et il faut toujours tout nettoyer. Mais ces eaux de nettoyage ne peuvent pas partir dans les égouts, encore moins dans le ruisseau d’à côté."
Quand on n’a pas de champ ni de fosse à purin
"En revanche, il est possible d’épandre ces produits dans son champ, ou dans une fosse à purin si l’on a des animaux à la ferme", poursuit le professeur, "car, dans les deux cas, ils y sont naturellement dégradés en CO2 et en azote. Mais si ces conditions ne peuvent être réunies, sur des parcelles difficiles d'accès ou par manque de place, il y a lieu de neutraliser la nocivité de ces bouillies. Jusqu’à encore récemment, on ne prêtait pas du tout assez attention aux conditions d’utilisation des PPh. J’entends encore mon oncle me dire que le cuivre, employé comme fongicide, était un désinfectant. Mais on n’avait pas conscience des concentrations utilisées, et on pouvait s’intoxiquer. Avec ces machines, et les différents équipements de protections certifiés qui les accompagnent, ce risque peut être considérablement réduit." Un mot du cuivre justement: lui ne peut absolument pas être dégradé, et sera donc extrait par ces systèmes, avant d’être éliminé dans une déchetterie spécialisée, ou bien épandu dans le champ si les taux mesurés entrent dans les normes admises.
Partenariat avec des fournisseurs
Mais à Gabrielle Loichat de mieux nous détailler le projet: "Une plateforme «Produits phytosanitaires et eaux» a été créée à l’automne 2018, pour gérer les interfaces entre Confédération, Cantons et recherche, vulgarisation et application légale, et c’est cette plateforme qui a développé l’exposition à partir de 2022, en français et en allemand. AGRIDEA a travaillé dessus avec la HAFL et l’INFORAMA Rütti. On a plusieurs partenariats avec des fournisseurs, qui nous ont mis à disposition leurs outils, ce qui permet à nos visiteurs d’avoir une vue d’ensemble et de choisir ce qui convient le mieux à leur exploitation. Certaines machines utilisent de l’électricité et on peut les faire tourner, d’autres pas". Et Fabio Mascher d’ajouter: "Beaucoup viennent de France, du fait de leur programme Ecophyto [qui remonte à 2009] pour réduire l’impact des PPh sur l’environnement. Cela a encouragé de petites entreprises dédiées à développer leurs outils."
Dégradation microbienne, évaporation ou filtration
Sans entrer dans des considérations technico-chimiques, toutes ces machines ont donc en commun de traiter efficacement les effluents de PPh, pour que rien ne parte à la STEP ni ne reste dans les eaux de surface. On peut considérer trois modes de fonctionnement: soit la dégradation microbienne, soit l’évaporation, soit la filtration. Les différents modes de fonctionnement peuvent être combinés. L’évaporation peut être naturelle ou forcée. Les volumes traités diffèrent en fonction du système. Les coûts d’acquisition, d’entretien et d’élimination varient également.
Partager les dernières connaissances
"On a envie de promouvoir ce site", poursuit Gabrielle Loichat, "que des gens viennent partager les dernières connaissances dans ce domaine. On s’adresse aussi bien aux professionnels qu’aux représentants des collectivités. En Valais, certaines communes ont des places de lavage-remplissage mises à disposition des agriculteurs, et leur coût peut être partagé entre les agriculteurs et les pouvoirs publics. Tous ont donc vocation à venir ici, pour se faire présenter la documentation et comparer les systèmes. Sachant que nous ne sommes pas des vendeurs mais restons neutres." Quant au professeur à la HAFL, il y voit aussi forcément "l’occasion d’une prise conscience des étudiants sur un problème auquel ils n’avaient souvent encore pas pensé". "D’autant que mes élèves sont les futurs vulgarisateurs de ces enjeux, et qu’ils doivent connaître à la fois la législation en vigueur et ce qui existe sur le marché pour travailler en adéquation avec la loi."
Nouvelles générations et bactéries spécifiques
Reste à interroger nos deux experts sur une éventuelle date de péremption de cette expo "permanente". "Techniquement on est déjà bien au point", commence Gabrielle Loichat. "Mais c’est vraiment dans la pratique qu’il faut évoluer, et les jeunes générations y sont particulièrement sensibles". "Je ne pense pas qu’il y aura encore des changements drastiques dans la technologie", confirme Fabio Mascher. "C’est un secteur en évolution, alors on peut imaginer des bactéries qui dégradent spécifiquement la bonne molécule de tel produit. Et peut-être aussi des produits phytosanitaires qui se dégradent plus rapidement, avec un laps de temps d’efficacité et de toxicité toujours plus court."
Etienne Arrivé/AGIR
Plus d’info: produits-phytosanitaires-et-eaux.ch
Prochain cours le 9 juillet: Cours de formation "Outil de conseil spécifique à l'exploitation pour la protection des eaux" - AGRIDEA