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Crise énergétique: «L’agriculture doit prendre ses responsabilités»
L’USP vient de publier un document avec une série de mesures pour se prémunir en cas de pénurie d’électricité cet hiver. L’heure est grave?
Il faut garder la tête froide. Cette publication n’a pas pour objectif de créer la panique, mais plutôt d’inciter à agir. Aujourd’hui, il y a des signaux forts montrant qu’on risque d'aller vers une pénurie d'énergie non seulement cet hiver, mais également les suivants. L’USP se doit d’expliquer aux agriculteurs comment anticiper la crise énergétique. Chaque exploitation agricole doit évaluer sa vulnérabilité en se posant la question suivante: comment faire face à une coupure de courant, de durée variable et en fonction des besoins essentiels et prioritaires?
Mesures d'économie volontaires, restrictions de consommation, contingentement, coupures de réseau, quelles répercussions sur l’agriculture?
L’agriculture, comme le reste de la population, a intérêt à prendre ses responsabilités en économisant l’énergie sur une base volontaire. Les mesures d’efficacité électrique peuvent s’opérer au niveau du chaud (boiler à pompe à chaleur (PAC), supprimer le chauffage d’appoint électrique par une installation split PAC), du froid (récupération de chaleur, pré-refroidissement du lait), de la ventilation (optimiser le temps de fonctionnement par rapport aux besoins réels), des équipements (remplacement des éclairages par du LED), mais aussi des logements. Ces mesures de réduction de la consommation limitent la probabilité de mise en oeuvre de mesures beaucoup plus contraignantes. Des soutiens sont par ailleurs possibles comme au travers des programmes d’AgroCleanTech.
Côté contingentement?
Le contingentement impacterait les gros consommateurs de plus de 100'000 kWh par année. Certaines exploitations sont concernées mais globalement, il y a peu de gros consommateurs dans l’agriculture suisse. La moyenne dans l’agriculture suisse est plutôt dans les 20’000 kWh par an. En revanche, le contingentement des secteurs en amont et en aval peut avoir un fort impact indirect sur les exploitations. Les restrictions sur les activités d’abattage, de transformation, de stockage et de logistique de la matière première auraient ainsi des conséquences sur la production et les capacités de prise en charge.
En ce qui concerne les coupures d’électricité?
C’est certain que l’arrêt de certains processus peut mettre en danger le bien-être voire carrément la protection des animaux. Sans oublier que le redémarrage des processus et des installations, notamment dans les industries, peuvent nécessiter plus de temps que la coupure elle-même. Avec un générateur de secours, on pallie en tout temps à une coupure d’électricité. Il en existe plusieurs types. Dans l’agriculture, le générateur directement branché à la prise de force du tracteur est une solution rapide, souple et efficace. Mais encore faut-il que l’installation électrique puisse être commutée sur une solution de secours et prévue en conséquence. D’où l’importance d’anticiper ce genre de situation en en parlant avec son électricien.
Y a-t-il des exploitations plus vulnérables que d’autres?
Oui, les exploitations aux processus hautement technologiques qui dépendent d’un apport ininterrompu en électricité comme les robots de traite, les équipements de ventilation, de réfrigération ou les chaînes d’alimentation. Elles sont d’autant plus vulnérables que le bien-être animal est engagé. Les grandes exploitations agricoles dans la volaille, le lait ou la branche porcine seraient très impactées par une coupure de courant car passablement d’équipements fonctionnent à l’électricité. Certaines exploitations disposent déjà d’un dispositif de secours.
Comment examiner la vulnérabilité?
Il n’y a pas forcément besoin de grandes analyses. Simplement identifier les processus dont le fonctionnement serait compromis ou mis à l’arrêt et les conséquences que cela aurait, aide déjà à cerner la vulnérabilité de l’exploitation et l’ampleur du risque. Pour réduire le risque, des mesures d’efficience énergétique ou des mesures d’organisation du travail peuvent amener des réponses, indépendamment du fait de se doter d’une alimentation de secours. A noter qu’il est également possible de solliciter un conseil énergétique pour son exploitation auprès de son service cantonal de vulgarisation agricole.
La sécurité alimentaire est-elle menacée?
On ne peut pas dire aujourd'hui que la sécurité alimentaire est menacée. Les conséquences pourraient surgir, avec l’application de mesures extrêmes comme le délestage du réseau qui durerait des heures. Pour l’heure, il ne faut pas être alarmiste. Toutefois, il faut reconnaitre que certains secteurs sont plus exposés que d’autres car au-delà de l’électricité, le défi est aussi au niveau du gaz. Par exemple, la production de légumes sous serres pourrait être impactée plus ou moins fortement, avec non seulement des prix de l’énergie qui bondissent mais aussi au cas où les sources d’énergie venaient à être restreintes.
Faut-il envisager des aides financières spécifiques pour l’agriculture?
La hausse des coûts de l’énergie s’ajoute au contexte général de hausse des coûts de ces derniers mois. Cela doit être compensé sur les prix au producteur. Pour l'instant, les revendications portent sur le rôle particulier du secteur agro-alimentaire. Comme d’autres organisations de la branche, l’USP demande au Conseil fédéral, tant au niveau du gaz que de l’électricité, de tenir compte de l'importance systémique de la production alimentaire et de la transformation de toute la chaîne de mise en valeur des produits. On souhaite que le secteur agroalimentaire soit exempté de mesures de restriction. Car l’alimentation, c’est vital!
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Kalina Anguelova/AGIR