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«Il est important de mettre un visage sur une viande ou un légume»
Pour sa vingtième édition qui aura lieu du 17 au 27 septembre, avec plus de 3000 rendez-vous programmés à travers toute la Suisse, la Semaine du goût s’offre un parrain d’exception, puisqu’il s’agit de Franck Giovannini. Le chef triplement étoilé du Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier est un ardent défenseur du « manger sain » et des produits locaux. Interview.
- La semaine du goût fête cette année ses 20 ans. Pour vous, quel est le plus grand changement au niveau alimentaire, par rapport à l’an 2000 ?
- Les gens font de moins en moins la cuisine. Ils n’ont plus le temps… En parallèle, l’offre de plats tout prêts ou livrés à domicile a explosé. Il est facile de se nourrir, sans jamais avoir accès aux produits de base et encore moins aux producteurs. Or, pour moi, le produit et son origine sont à la base d’une bonne alimentation. Manger sainement, c’est manger local. Cela contribue également à la préservation de l’environnement.
- Autrement dit, la situation s’est plutôt détériorée ?
- Certaines choses vont quand même dans le bon sens. La qualité des produits locaux s’est améliorée… Mais il y a un gros problème au niveau des coûts. Aujourd’hui, on peut acheter des tomates en provenance du Pérou à un prix moins élevé que des tomates cultivées à Yverdon. C’est aberrant et scandaleux ! Il faudrait taxer à mort ces produits exportés ! Cela étant, je suis plutôt optimiste par rapport à la jeune génération. Elle est souvent très soucieuse de ce qu’elle mange, tant au niveau de la qualité que de la provenance des produits.
- Personnellement, allez-vous encore à la rencontre des producteurs sur les marchés?
- Oui, mais durant mes loisirs. Professionnellement, nous avons la chance, au Restaurant de l’Hôtel de Ville, que ce soient les producteurs qui viennent à nous.
- Vous les connaissez tous ?
- Absolument, c’est très important, en plus de la qualité de produits, de pouvoir mettre un visage sur un légume ou sur une viande. Nous sommes très fidèles à nos producteurs ; certains travaillaient déjà avec le Restaurant de l’Hôtel de Ville du temps de Philippe Rochat. Nous les mettons également en avant sur notre carte. Pour des établissements tels que le nôtre, travailler avec des artisans et des producteurs de proximité va de soi. Je m’autorise toutefois d’élargir le cercle aux pays voisins pour certains produits. Si je veux, par exemple, travailler des produits de la mer, il est évident que je ne peux pas les trouver chez nous.
- Vous êtes donc très fidèle, mais êtes-vous également ouvert à de nouvelles découvertes ?
- Bien sûr. Je suis toujours disponible pour rencontrer des artisans ou des producteurs. Ils sont nombreux à nous contacter et c’est très enrichissant. C’est comme cela qu’on avance et qu’on se renouvelle. Nous sommes toujours prêts à nous laisser surprendre. Si la qualité est là et que nous n’avons pas encore de producteurs de un secteur, cela peut déboucher sur une nouvelle collaboration.
- Est-ce que vous vous laissez parfois « influencer » par certains producteurs ?
- Nous avons des attentes et demandes très précises et très exigeantes. Mais nous sommes effectivement ouverts à des suggestions, cela peut nous donner des idées. L’échange va dans les deux sens.
- Un de vos derniers coups de cœur ?
- Un petit jeune qui cultive du safran dans la région. Un vrai passionné, c’est génial. En plus je ne savais pas que l’on produisait cela dans nos cantons. Il devenu l’un de nos fournisseurs depuis deux ans.
Propos recueilli par Pascale Bieri/AGIR