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Immersion à la ferme primée par l’USP
L’Union Suisse de paysans (USP) a remis son traditionnel Prix Média, le 18 novembre, lors de son assemblée des délégués. L’objectif de cette récompense : mettre en lumière des travaux journalistiques pertinents et de qualité sur le monde agricole, un par région linguistique (français, allemand et italien).
Pour la Suisse romande, suite à une présélection d’articles susceptibles d’être récompensés, effectuée par l’Agence d’information agricole AGIR, le jury du Prix a honoré Boris Busslinger (30 ans).
Le jeune journaliste a passé trois jours en immersion dans une exploitation agricole du canton du Jura, à Mettembert, pour réaliser son reportage « Dans les bottes d’un paysan », publié le 30 avril 2021 sur deux pleines pages du journal « Le Temps ». Il a partagé le quotidien et les tâches de la famille Chèvre, troquant son regard de citadin contre celui du monde agricole.
Qu’est-ce qui vous a amené à réaliser ce reportage ?
Durant la campagne sur les initiatives phytosanitaires, j’ai eu l’impression que le monde agricole et le monde citadin ne parlaient pas de la même chose, qu’il n’y avait pas de dialogue possible. Comme je travaille pour un média dont le lectorat est essentiellement urbain, j’ai voulu montrer qu’il y avait une autre réalité, en partageant le quotidien d’une exploitation agricole. J’aurais pu interviewer un paysan, le faire parler de sa vie, des contraintes auxquelles il doit faire face… Mais ça, beaucoup d’autres l’ont déjà fait. Et c’est toujours du discours rapporté. J’ai pensé que ce serait plus intéressant de me rendre compte par moi-même de ce qu’il en est, puis de partager mon expérience.
Avez-vous été surpris par ce que vous avez vécu.
J’imaginais que j’allais faire des efforts physiques. J’ai été servi ! Il y a énormément de travail. C’est très dur. Dangereux, par moments. On se lève très tôt, on se couche tard… J’ai passé trois jours sur place ; j’ai voulu m’engager à fond dans cette expérience, comme si j’étais un ouvrier agricole et surtout pas un spectateur. J’ai tout essayé : nettoyer la porcherie, conduire un tracteur, et même administrer un médicament à une vache, le bras dans sa gueule.
Est-ce que vous aviez des racines avec le monde paysan et quel est votre trajectoire?
J’ai des ancêtres agriculteurs. Mais, je suis moi-même un citadin. Je suis né et j’ai grandi à Vevey. Aujourd’hui, je vis à Zurich où je suis correspondant pour « Le Temps ». Avant cela, j’ai fait un bachelor en Relations internationales, et un master en Droit international. Je pensais m’orienter vers la diplomatie, puis j’ai eu l’occasion de découvrir le journalisme suite à un petit stage d’un mois au journal «Le Temps », qui a été renouvelé. J’y ai ensuite fait mon stage de journaliste RP. Et voilà…
Avez-vous un message à faire passer suite à votre expérience à la ferme ?
Je dirais : cela vaut la peine de se comprendre, de chercher le pourquoi du comment, plutôt que de se faire la guerre… Si on reprend la problématique des produits phytosanitaires, on voit les citadins qui accusent les agriculteurs d’être des pollueurs ; eux répondent, qu’aujourd’hui, on ne peut pas se passer totalement de ces traitements, mais que leur utilisation a déjà beaucoup diminué… C’est complexe. Méfions-nous des raccourcis. J’ai un grand respect pour les personnes qui travaillent la terre. Les agriculteurs consacrent leur vie à leur métier, ils nous nourrissent. C’est un job dur, sous-évalué.
Que représente ce prix de l’USP pour vous ?
Cela fait hyper plaisir de voir son travail reconnu. Et encore plus lorsque c’est par des gens du milieu concerné. Ce reportage a été marquant pour moi. Je me suis beaucoup investi, j’ai rencontré des personnes formidables. Suite à la publication j’ai eu des retours positifs, tant des milieux citadins qu’agricoles. Ce qui m’a également fait plaisir, car j’étais vraiment dans une démarche constructive.
Propos recueillis par Pascale Bieri/AGIR