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"L'agritourisme a explosé l'année passée"
«Innovations et leur financement». Le thème de cette 6e édition laisse penser que le secteur de l’agritourisme n’est pas assez innovant?
L’idée était de montrer qu’en faisant preuve de créativité et de persévérance, on peut étoffer les offres et attirer de nouveaux hôtes, même en période de pandémie. Les projets présentés ont été développés ces deux dernières années et financés grâce au Crowdfunding. Les gens sont toujours prêts à soutenir une bonne idée. En Suisse, on a suffisamment de moyens financiers, mais pas assez de projets innovants.
L’écologie était une des thématiques abordée. L’effort n’est-il pas suffisant dans le secteur?
Les clients sont à la cherche non seulement d’une alimentation respectueuse envers la nature, mais aussi de vacances durables. On peut largement progresser dans ce sens.
La pandémie a-t-elle eu un effet néfaste sur l’agritourisme?
Les années de pandémie ont renforcé le tourisme intérieur et ont donc eu un effet bénéfique pour l’agritourisme. De nombreuses familles ont découvert les vacances à la ferme. Si le segment des logements indépendants a explosé, celui des hébergements collectifs et «dormir sur la paille» a toutefois souffert du fait que les voyages scolaires et associatifs n’étaient plus à l’ordre du jour.
Quel est le bilan d’Agritourisme Suisse pour 2021 et 2022?
En 2021, on a enregistré 162’479 nuitées et un chiffre d’affaires de 4,8 millions de francs. Avec une croissance de 19%, 2021 a atteint des records absolus en comparaison de 2020. En 2022, on a eu environ 28% moins de réservations en comparaison avec l’année 2021 parce que les hôtes sont de nouveau repartis à l’étranger. C’est compréhensible.
Agritourisme Suisse compte actuellement 212 membres. Un chiffre satisfaisant?
Le nombre de prestataires reste stable, alors que la demande progresse au fil des ans. On peut agir notamment en motivant la jeunesse à se lancer dans l’agritourisme.
Comment?
Les citoyens qui passent des vacances à la ferme comprennent mieux le métier de paysan et ses difficultés ou encore l’importance de manger des produits suisses. Les prestataires de l’agritourisme sont les ambassadeurs de l’agriculture. Cela devrait motiver les agriculteurs. D’après une étude d’AGRIDEA, c’est l’agritourisme qui offre les meilleures opportunités de diversification de l’exploitation agricole. Ils ne doivent pas sous-estimer cette source de revenus supplémentaires. Après, il faut avouer que la loi sur l’aménagement du territoire - très sévère en Suisse, contrairement à celle de nos voisins autrichiens, allemands et italiens - ne nous facilite pas la tâche. Si on veut rapidement gagner des prestataires, elle doit être assouplie.
Quel est l’impact économique de l’agritourisme en Suisse?
On manquait de données à ce sujet, avant 2022. Elles sont pourtant nécessaires pour défendre, de manière crédible, les intérêts de la branche au niveau politique. Alors, une étude a été menée en 2022 auprès des prestataires, en partenariat avec Agritourisme Suisse par l’institut Tourisme de la HES-SO Valais-Wallis à Sierre. Le chiffre d’affaires annuel du secteur agritouristique en Suisse se situerait entre 52 et 91 millions de francs en 2021. Pour l’année 2019, il se situerait entre 43 et 76 millions. Il est en progression, c’est très positif.
Quels sont vos projets d’avenir?
Au Canada, les séjours à la ferme - dont l’impact positif sur la santé a été prouvé et reconnu - sont remboursés par les assurances. On aimerait que cela soit aussi le cas en Suisse. L’été prochain, en partenariat avec Agritourisme Suisse, la Haute école de Lucerne mènera une recherche sur 15 familles invitées à passer des vacances à la ferme. Elles seront suivies avant, pendant et après leur séjour afin de mesurer les bénéfices sur la santé. Si on obtient de bons résultats, on n’hésitera pas à contacter les assurances. Puis, il y a cet autre projet avec la Haute école spécialisée des Grisons.
Lequel?
Les fermes possèdent souvent des jardins sublimes dans lesquels poussent une grande variété de fleurs et de plantes aromatiques. Elles peuvent être transformées en divers produits: pommades et autres remèdes naturels. Cette année, une étudiante mène un travail de marketing afin de trouver une manière de valoriser ce domaine d’un point de vue agritourisme.
Que peut-on souhaiter à Agritourisme Suisse à l’avenir?
On aimerait faire évoluer les mentalités sur certains sujets. Il reste, par exemple, beaucoup trop d’exploitations qui pratiquent toute l’année les mêmes prix pour les nuitées, alors qu’elles offrent un séjour riche en expériences aux côtés d’animaux. Pourquoi les tarifs ne pourraient-ils pas être supérieurs de 30% en haute saison, par exemple, à l’image de l’hôtellerie et de la parahôtellerie? Agritourisme Suisse a débuté une étude, dont les résultats seront publiés à la mi-décembre, dans laquelle elle demande, non pas aux fermes, mais aux hôtes combien ils seraient prêts à payer. Les résultats nous permettront d’ouvrir le débat sur ce thème délicat avec les paysans qui estiment avoir un devoir social en rendant les vacances à la ferme accessibles à tous les foyers.
Propos recueillis par Kalina Anguelova/AGIR