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“L’intérêt pour les microfermes est fort en Suisse romande”
Le 27 novembre dernier, l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) proposait un cours intitulé “Faire tourner son projet en permaculture – du rêve écologique au modèle économique” avec la présence de Perrine Hervé Gruyer, co-fondatrice du Bec Hellouin. Cette microferme écologique située en Normandie est souvent citée en exemple pour montrer le potentiel de ce genre de productions. La formation était organisée par Hélène Bougouin du FiBL en partenariat avec le Jardin aux 1000 mains et l’association Permaculture romande. Elle n’a pas eu de peine à afficher complet. L’ingénieure agronome est en charge d’un projet sur les microfermes financé par la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires du canton de Vaud (DGAV). Elle est donc en première ligne pour juger de l’engouement autour de cette thématique en Suisse romande.
Premièrement, comment peut-on définir une microferme ?
Il n’y a pas encore de définition qui fasse consensus. Avec quelques années de recul, je la définirai comme une structure agricole à la recherche d’autonomie, avec des méthodes inspirées de la permaculture ou de l’agroécologie, avec une intensification de la production (du travail manuel), ou encore une attention particulière portée à la régénération des ressources naturelles.
Quel est l’intérêt pour les microfermes en Suisse?
Il y a clairement un intérêt grandissant en Suisse romande. En commençant mon travail de recherche au FiBL, j’ai réalisé que la demande était très forte. Je me suis alors dit qu’il fallait que ces gens se rencontrent. Nous avons donc créé un groupe d’intérêt et, avant la tenue du premier évènement, 70 personnes étaient déjà inscrites.
Et quelles sont les préoccupations des gens qui manifestent un intérêt?
L’une des principales est l’accès à la terre. Le public qui s’intéresse aux microfermes est large, que ce soit des enfants d'agriculteurs dont le domaine est déjà repris par un frère ou une sœur, des jeunes en formation ou des néo-ruraux pas encore formés. La législation agricole protège les familles agricoles, ce qui est une bonne chose, mais cela complique aussi la reprise d’un domaine hors cadre familial. Une autre préoccupation importante est la question économique. Quel est le budget nécessaire pour s’implanter et quel chiffre d’affaires peut-on espérer dégager. Et puis il y a de nombreuses demandes concernant la formation, les techniques culturales, etc.
On retrouve pourtant de plus en plus de documentation sur des projets existant de microfermes, notamment en France ou au Québec...
Il est en effet possible de trouver des ressources pédagogiques dans d’autres pays, mais la spécificité suisse, avec par exemple les paiements directs, n’est pas prise en compte. Et puis, il y a aussi un gros manque au niveau de l’offre de formation sur ce type de systèmes de production dans notre pays. Une des solutions, c’est d’aller faire des stages à l’étranger. C’est en décalage complet avec les besoins grandissant des gens. Il y a des améliorations, comme avec la filière biologique créée l’année dernière pour les apprentis romands en agriculture. Reste que ces CFC, prévus initialement pour des jeunes de 16 ans, ne sont pas très adaptés pour des personnes en reconversion professionnelle qui ont la trentaine, voire plus.
Mais d’une manière générale, ce modèle des microfermes est-il réellement viable?
Le but n’est pas de reproduire le côté précaire de l’agriculture classique. Or il faut savoir que les microfermes demandent une grosse charge de travail. L’exemple de la microferme écologique de Bec Hellouin en Normandie est souvent cité et montré en exemple. Mais il vend un idéal que je ne retrouve pas forcément dans les projets qui se mettent en place actuellement. Il faut savoir, aussi, que les microfermes n’ont pas toujours vocation de production agricole avec une rentabilité économique. Certains projets ont des visées de recherche, ou une ambition pédagogique et participative, comme c’est le cas pour le Jardin aux 1000 mains dans les hauts de Lausanne.
Les microfermes pourraient-elles remplacer le modèle actuel et nourrir le monde?
Le problème est beaucoup plus global que cela. Par exemple, on sait que 30% de la nourriture produite par l’agriculture est jeté, il est donc essentiel de réduire le gaspillage tout au long de la chaine de valeur. Il faudrait aussi remplacer en grande partie la production de viande, très gourmande en culture de céréales, par une production animale extensive ainsi que de protéines végétales directement destinées à la consommation humaine. Les microfermes toutes seules ne transformeront pas le modèle actuel sans des changements majeurs aux niveaux commercial et politique.
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FOCUS
Quand des inconnus se rencontrent pour créer une microferme
Suite à un appel à projet, des jeunes d’horizons différents se sont réunis en mars 2018 au sein d’un collectif, Les Carottes Courbes, et ont repris un petit terrain agricole à Arnex-sur-Orbe, dans la région du pied du jura vaudois. Ensemble, ils tentent une aventure hors du commun: créer une microferme afin de pratiquer une agriculture différente, mais aussi pour pouvoir un jour vivre en autonomie en ce qui concerne la plupart des denrées alimentaires. Charlotte nous raconte les particularités autour de ce projet.
Portrait vidéo des Carottes Courbes : https://www.youtube.com/watch?v=Vq9_S91G_Qc