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Serres: des bandes fleuries pour renforcer la lutte biologique
La réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires est un défi de taille pour l’agriculture. Elle implique la mise en place de solutions alternatives pour lutter efficacement contre les ravageurs. Une lutte d’autant plus contraignante en culture biologique. En ce sens, la mise en place de bandes ou d’éléments fleuris orientés sur les besoins des ennemis naturels contribuant au contrôle des ravageurs des cultures pratiquées, peut représenter un outil agro-écologique pour renforcer la lutte biologique.
Une pratique encore rare
Agroscope souhaite propager l'installation de bandes fleuries dans les cultures sous abri. «Les plantes à fleurs attirent et soutiennent les auxiliaires, organismes antagonistes naturels des ravageurs, en leur fournissant des proies alternatives, des abris ou des tissus sur lesquels ils peuvent déposer leurs œufs. Bien que la recherche ait prouvé l’efficacité de cet outil dans la lutte biologique, rares sont aujourd’hui les serristes qui osent franchir le pas. C’est pourquoi nous avons publié une fiche technique donnant des conseils pratiques sur la mise en place d’une telle installation en espérant faciliter la mise en place», déclare Louis Sutter, collaborateur scientifique à Agroscope.
Le choix des espèces florales dépend des cultures pratiquées, de leurs principaux ravageurs et des auxiliaires disponibles pour lutter contre ces derniers. Les plantes ne doivent pas être concurrentielle pour la culture. Selon la fiche technique «combiner plusieurs espèces végétales (min. 3 à 4) dans une bande fleurie augmente la disponibilité en fleurs sur une longue durée. Le risque d'échec diminue, alors que les sources de nourriture et la diversité des abris augmentent, rendant la bande fleurie attractive pour un gamme variée d’auxiliaires».
Sensibiliser les jeunes
L’entomologiste, qui fait de la recherche depuis une dizaine d’années dans ce domaine, est conscient que le choix d’une telle installation n’est pas simple: «Il faut une certaine place, des connaissances et une certaine expérience pour s’en occuper. La gestion est plus complexe que l’application d’un engrais.» Il évoque la nécessité d’agir en amont pour démocratiser cette pratique: «Il faut compléter les cursus d’études des jeunes dans les écoles d’agricultures afin de les sensibiliser à cet outil.»
La recherche a permis d'identifier des espèces florales intéressantes pour renforcer la lutte contre des ravageurs spécifiques comme les pucerons ou encore les acariens tétranyques, la mineuse de la tomate et les aleurodes. «La difficulté désormais est l’intégration de cette pratique dans les systèmes de production modernes. Les producteurs bios et moins digitalisés sont souvent plus intéressés et ouverts au dialogue puisqu’ils sont limités dans l’utilisation d’engrais ou pesticides et moins contraints par l’infrastructure. D’ailleurs leur expérience joue un rôle important dans la mise en place d’une bande fleurie optimale. En revanche, les propriétaires de grandes serres hautement technologiques, très rentables, sont plutôt sceptiques parce qu’ils peinent à voir le retour sur investissement de ce genre d’installations. Il y a aussi des défis majeurs comme l’utilisation de la surface avec le très grand rendement pour certaines cultures ainsi que des soucis d’hygiène. Pour le moment, il reste aussi à développer des mélanges adaptés pour des éléments fleuris sous abri.»
Choix des espèces et emplacements primordiaux
Outre le choix des espèces florales, l’emplacement des bandes fleuries est primordial pour garantir nourriture et abri à une communauté diversifiée d'auxiliaires. Qu’elles soient installées aux bords extérieurs des serres ou à l'intérieur des rangées de production, leur effet diminue au-delà d’une vingtaine de mètres, selon de récentes recherches d’Agroscope.
Semer les plantes au bon moment s’avère aussi très important: la floraison doit coïncider avec la période durant laquelle la lutte naturelle contre les ravageurs est nécessaire. De plus, les effets positifs des bandes fleuries se prolongent l'année suivante, si le moment et l’entretien est adéquat.
Pour Louis Sutter l’optimisation ultime de l'efficacité de cet outil consiste à appliquer «un transfert actif entre les bandes fleuries et les cultures au sein d’une serre». Concrètement, il s’agit de couper des parties de plantes abondant en auxiliaires et de les placer dans la culture à protéger. «C’est une technique qui permet d'augmenter et d’homogénéiser les populations d'auxiliaires», précise le scientifique. Et de conclure: «La lutte biologique contre les ravageurs via les bandes fleuries est une thématique de recherche internationale. Agroscope participe à divers projets européens et internationaux afin d’améliorer les connaissances et démocratiser cette technique.»
AGIR/Kalina Anguelova
Liens utiles
«Des bandes fleuries pour auxiliaires sous abri: Un outil de lutte contre les ravageurs», Ed. Agroscope, Conthey. Fiche technique No. 155, mai, 2022, 4 pp.
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