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Swissness en discussion demain au Parlement !
Tenant compte de la réalité économique et prenant en considération la pratique actuelle de l’utilisation de l’indication de provenance «Suisse», le projet a pour objectif de poser les bases permettant d’assurer à long terme la plus-value représentée par le fort potentiel commercial de la «Suissitude». Cet objectif implique de renforcer la protection de l’indication de provenance «Suisse» et de la croix suisse, tant au niveau national que dans la perspective d’une mise en œuvre à l’étranger. Une définition crédible et applicable de la «Suissitude» est dès lors nécessaire pour maintenir les fondements de cette plus-value et pouvoir plus aisément combattre les abus. |
Message du Conseil fédéral du 18 novembre 2009
Si cet objectif a rencontré un accueil favorable de tous les milieux concernés, la définition des produits pouvant porter la croix suisse a suscité un débat d’une rare intensité. Le projet du Conseil fédéral prévoyait que les denrées alimentaires devaient contenir au minimum 80% de matière indigènes et cette proposition a été soutenue dès le départ par l’Union Suisse des paysans mais cela n’a pas été le cas de l’industrie alimentaire qui estime qu’il suffit qu’un produit soit transformé en Suisse pour pouvoir « être suisse ».
Après de longues discussions, le projet est maintenant à bout touchant mais les positions restent très divergentes. Inquiète de la tournure des événements et craignant une issue défavorable, l’Union Suisse des paysans a même annoncé et préparé le lancement d’une initiative populaire.
A la veille du débat parlementaire, faisons le point avec Walter Willener, directeur d’AGORA, sur ce projet extrêmement important pour la production agricole suisse.
Walter Willener, quelle est la position de l’agriculture sur le projet Swissness et est-elle unanime dans ce dossier ?
La position de l’agriculture est claire : c’est un soutien au message du Conseil fédéral qui propose 80% de matière premières suisses pour les denrées alimentaires. Donc, nous refusons la distinction entre produits hautement et faiblement transformés qui est une source de confusion pour les consommateurs et, de plus, compliquée à appliquer. Globalement, cette position est unanime mais il y a des nuances concernant les produits dont la matière première produite en Suisse est en dessous de 50%. En l’état, la proposition de la commission est, selon moi, inapplicable. En effet, elle prévoit d’introduire la notion d’auto-approvisionnement et, lorsqu’il est inférieur à 50%, les matières premières ne seraient prises en compte que pour moitié. En dessous de 20% même plus du tout. Par exemple, un produit transformé à base d’œufs, soit une matière première dont le taux d’auto-approvisionnement est actuellement de moins de 50%, pourrait être vendu comme produit suisse alors même qu’il ne contiendrait que 40% d’œufs indigènes.
Pourquoi l’agriculture ne veut-elle pas donner plus de marge de manœuvre à l’industrie agroalimentaire ?
D’abord parce que cela n’empêche pas l’industrie de produire en Suisse même si elle ne pourra plus librement apposer la croix suisse sur ses produits.
Ensuite, le Swissness induit une plus-value indiscutable sur les produits et l’agriculture, en tant que fournisseur de matières premières, en revendique une part, surtout au moment où l’ouverture des marchés reste d’actualité.
Enfin et surtout, il en va de la crédibilité vis-à-vis du consommateur qui doit pouvoir être assuré, lorsqu’il voit la croix suisse sur un produit, que ce produit contient effectivement une part très importante de matières premières suisses.
Qu’en est-il des exceptions possibles ?
Les exceptions doivent être limitées aux produits qui ne sont pas cultivés en Suisse pour des raisons climatiques et agronomiques, par exemple le cacao et le café.
Quels sont les scénarios possibles demain concernant les denrées alimentaires ?
Il y a actuellement plusieurs propositions individuelles. Donc, il possible qu’une majorité de parlementaires ne votent pas l’entrée en matière ou qu’ils la votent mais avec un renvoi en commission. Dans les deux cas, il s’agirait d’une alliance contre nature entre les partisans d’un Swissness pur et dur, soit 100% de matières premières suisses, et ceux qui ne veulent pas de loi du tout dans ce domaine pour pouvoir continuer à utiliser la croix suisse comme bon leur semble.
Autre scénario, il y a entrée en matière et une majorité suit les propositions individuelles introduites sous la pression de la FIAL (Fédération des industries agro-alimentaires suisses). Dans ce cas le projet est notablement affaibli.
Troisième possibilité, la proposition majoritaire de la commission (80% pour les produits faiblement transformés et 60% pour les produits hautement transformés) est acceptée.
Enfin, la proposition minoritaire de la commission (80% pour tous les produits) est acceptée.
Quelles impressions avez-vous quant aux résultats du débat au Conseil National ?
J’ai bon espoir… Mais l’enjeu de ce dossier est pratiquement au niveau d’une élection au Conseil fédéral et la dernière nuit pourrait être déterminante.
A part le cas du dernier scénario, le lancement de l’initiative est-il inéluctable ?
Oui, dans le cas où les autres scénarios se réalisent, l’agriculture lancera une initiative populaire derrière laquelle producteurs et consommateurs vont se retrouver.
Propos recueillis par
Martine Bailly/AGIR