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Vins mousseux suisses: une effervescence à développer
La consommation de vin diminue partout dans le monde, et la Suisse n’échappe pas à cette tendance. En 2023, les Helvètes ont consommé 26 litres par habitant, bien loin des 38 litres enregistrés il y a vingt ans. Une évolution qui s’explique notamment par une prise de conscience accrue des effets de l’alcool sur la santé et de nouvelles habitudes de consommation.
Dans ce paysage, toutefois, un segment sort du lot: les vins mousseux. Contrairement aux vins dits tranquilles, leur consommation connaît une progression constante depuis vingt ans. Alors, certes, ces bouteilles pétillantes ne représentent que 12% du marché viticole, mais en 2023, leurs ventes ont bondi de 7% en Suisse, atteignant 22,8 millions de litres. Quant aux mousseux sans alcool, ils affichent une croissance encore plus forte de 16,8%, atteignant près de 1,8 million de litres.
Faut-il y voir une nouvelle opportunité pour le marché viticole suisse? Pour l’heure, les importations dominent largement. Les vins mousseux suisses représentent seulement 5% du volume vendu, contre 95% pour les importations, notamment italiennes, avec le Prosecco qui règne en maître (56% du marché). Cependant, la production suisse progresse également : +17,7% entre 2019 et 2023, une hausse supérieure à celle des importations (+10,1%).
Nouvelles habitudes de consommation
D'ailleurs, vu l’évolution de la demande, la plupart des viticulteurs proposent aujourd'hui du vin mousseux, même en petites quantités. "Pour ma part, je produis quelques centaines de bouteilles tous les deux ans", explique François Montet, vigneron encaveur à Blonay et président de la Fédération vigneronne vaudoise (FVV). "Les vins effervescents séduisent particulièrement les jeunes, sans doute pour leur côté festif. Mais les habitudes de consommation changent aussi. Si les générations plus âgées apprécient toujours les moments de convivialité autour d’une bonne bouteille de vin, les plus jeunes préfèrent souvent des cocktails comme le Spritz, à base de vin pétillant."
Pour répondre aux attentes, la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), en collaboration avec l’État de Vaud, a lancé un plan de relance qui vise à cibler les deux types de clientèle: les amateurs de terroir et de tradition d’un côté, et ceux en quête de nouveauté et d’innovation, notamment dans les vins mousseux suisses, de l'autre. "Le consommateur n’est pas homogène. Nous devons être à l’écoute et pouvoir proposer des produits qui plaisent à chacun", souligne François Montet.
Comprendre les attentes des consommateurs
Dans le même esprit, une étude menée en 2024 par l’Observatoire suisse du marché des vins (OSMV) s’est penchée sur les opportunités de développement pour les vins mousseux suisses. Il en ressort que l’intérêt pour de tels produits locaux est effectivement en progression. Ainsi, 90% des personnes interrogées par le biais d'un sondage M.I.S Trend déclarent consommer du vin mousseux au moins une fois par an, et 36% d'entre elles privilégient les produits suisses lorsqu’ils sont disponibles.
On note également un fort intérêt pour les mousseux élaborés à partir de cépages locaux tels que le Chasselas, tout particulièrement de la part des jeunes: 52% chez les 18-35 ans, contre 34% pour l’ensemble de la population. Par ailleurs, près de la moitié des personnes sondées se disent prêtes à payer un peu ou beaucoup plus cher pour des vins mousseux suisses, une tendance là aussi plus marquée chez les 18-35 ans et en Suisse alémanique.
Les défis de la production suisse
Malgré cet intérêt croissant, les mousseux suisses doivent surmonter plusieurs obstacles. Les coûts de production élevés, dus aux rendements limités et aux méthodes artisanales, positionnent ces vins sur un segment premium, où la concurrence est rude. "Pour occuper une meilleure place sur ce marché, la filière devra se concentrer sur l'amélioration de la notoriété de ses produits (un tiers des personnes sondées par M.I.S Trend ne connaissent pas les vins mousseux suisses) et leur différenciation face aux importations à bas coût", souligne encore François Montet, concluant sur une note positive. "Cela prendra un peu de temps, mais on y parviendra."
Pascale Bieri/AGIR